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Garçonnet, j'ai séjourné quatre années à Stanleyville, de 1956 à 1960. Je garde de cette période un souvenir idyllique entretenu par les photos paisibles et les films familiaux réalisés par mon père. C'était l'innocence de l'enfance. En 1980 en Belgique, je me suis fait traiter en rue de "sale colonialiste" par une personne à qui j'expliquais avoir passé quelques années au Congo Belge. Cet incident créa une espèce de culpabilité - bien qu'infondée - dont j'ai longtemps ressenti les effets.
Mais il a toujours subsisté en ma mémoire une sensation positive de ce vécu congolais auquel s'est ajouté progressivement un phantasme commun à mon frère et à mes soeurs, celui de revoir un jour la maison où nous avions vécus si heureux.
Les circonstances de la vie et l'instabilité dans la région de Kisangani nous ont toujours empêchés de réaliser ce voeu. Jusqu'à un jour d'octobre 2007, cinquante ans exactement après le lancement de Sputnik 1, où j'ai constaté que Google Earth montrait des vues par satellite assez détaillées de Kisangani. Après avoir ainsi pu revoir "virtuellement" notre habitation, je me suis amusé à situer des photos prises par mon père. Et de fil en aiguille, en parcourant des sites Internet qui publiaient des photos anciennes et récentes de la ville, je me suis pris au jeu grâce à la complicité de tous les sympathiques correspondants qui ont bien voulu me confier leurs souvenirs ou leurs images. Ce site en est le résultat, oeuvre collective en constante évolution car la recherche de documents anciens ou récents n'est pas terminée...
J'ai conçu ce site dans l'esprit de cette citation de Guy De Boeck : "Les détenteurs de documents refusent souvent de les publier, sauf si c'est - pour les uns - dans un contexte de défense générale de tout ce qui s'est fait au Congo, de Léopold II à 1960 ou - pour les autres - dans le cadre d'une autoflagellation générale des Belges se repentant d'avoir colonisé. Ceci avant même de savoir ce qui s'est passé ! Or, la démarche historique consiste à d'abord établir des faits, ensuite à essayer de les comprendre, jamais à les juger. Plus exactement, quand on commence à y introduire de la morale, on n'est plus dans l'histoire, mais bien dans la morale, la philosophie ou la politique..."
Les Congolais ont probablement pour l'instant d'autres priorités que de s'occuper du passé. Mais je pense que le fondement d'une nation passe par son histoire et les éléments constitutifs de celle-ci. En ce sens, je suis convaincu que tout travail de mémoire y a sa place. La Belgique a connu sur son territoire l'occupation des Italiens (certaines de nos voies de communication utilisent toujours le tracé des anciennes voies romaines), des Espagnols (qui imposèrent la religion catholique), des Autrichiens, des Français (le Code Napoléon a fondé le code civil belge) et des Hollandais (des familles belges ont pour ancêtres des colons hollandais) sans compter l'occupation allemande durant la première guerre mondiale qui a créé la carte d'identité avec photo. Ces faits historiques ont laissé des traces que les historiens, les archéologues et les scientifiques tentent aujourd'hui de retrouver, de reconstituer et de comprendre. Je n'ai pas la prétention d'être l'égal de ces savants en ce qui concerne Stanleyville/Kisangani. Ma contribution est volontairement restreinte à la compilation de photographies représentant essentiellement des bâtiments et des paysages urbains ainsi que de documents divers qui concernent cette ville.
Jean-Luc Ernst.
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